lundi 11 avril 2011

PROPOSITIONS POUR UN NOUVEAU MODELE DE DEVELOPPEMENT COMMERCIAL




Réunis en groupe de travail commerce autour de Guillaume Garot, secrétaire national au commerce et à l’artisanat, nous avons travaillé avec Jean Gaubert Francis Palombi, Lyne Cohen Solal, Pierre-Alain Weill et le GSE PME/ commerce sur un texte de propositions qui a été remis à Guillaume Bachelay en charge de la rédaction du projet.

PROPOSITIONS POUR UN NOUVEAU MODELE DE DEVELOPPEMENT COMMERCIAL

Le commerce et l’artisanat sont des moteurs du développement économique. Le commerce en France, c’est près de 3 500 000 emplois non-délocalisables et 1 jeune actif de moins de 25 ans sur 4 qui travaille dans ce secteur. C’est aussi près de 680 000 entreprises, près de 1 300 milliards € de chiffre d’affaires et plus de 200 milliards € de valeur ajoutée.

Le commerce et l’artisanat sont également porteurs de liens entre les citoyens et révélateurs des choix de société faits par un pays. Ils sont une question politique.
La droite a fait de l’ultralibéralisme un dogme et de la dérégulation systématique un principe d’action, entraînant le renforcement des inégalités sociales, territoriales et commerciales. Cela s’est particulièrement vérifié au travers de la Loi de modernisation de l’économie adoptée en juillet 2008.
Cela s’est également illustré par l’adoption de la loi sur le repos dominical qui a consacré l’avènement d’une société du « tout-consommation », alors que le dimanche devrait être consacré au repos, à la famille, au sport ou à la culture.

Cette politique est dure, injuste socialement et inefficace économiquement, notamment dans un contexte où le moral des ménages français chute en mars 2011 pour revenir au plus bas depuis mi-2009 et où le pouvoir d’achat des Français a nettement marqué le pas en 2010, et ce malgré les engagements de la Droite en 2007.
Le Parti socialiste doit créer les conditions de la confiance avec les acteurs de ce secteur. Il doit faire émerger et entendre de nouvelles propositions.
Et ce, afin de construire avec le monde du commerce, dans sa globalité, un autre modèle de développement commercial à proposer aux Français.

1. Aujourd’hui, la loi de modernisation a privé la puissance publique de ses principaux outils d’action et empêche une action volontariste pour rétablir un équilibre.
Selon la Ministre de l’économie en juin 2008, la LME avait « deux objectifs essentiels: plus d’entreprises et plus de concurrence, pour trois résultats concrets: plus de croissance, plus d’emploi et plus de pouvoir d’achat ».
Le bilan de cette loi a été présenté le 17 février 2010 à l’Assemblée nationale en commission des affaires économiques par MM. Ollier et Gaubert.
L’évaluation va d’insuffisant à « désastreux », en passant par très mitigés.
Ces appréciations dépassent largement les rangs de l’opposition parlementaire. Michel Piron, député (UMP) de Maine-et-Loire, a ainsi fait par de sa » grande perplexité au moment de l’examen de la loi, devenue profonde à l’issue de ce rapport. »
Concernant l’élévation de 300 à 1 000 mètres carrés du seuil à partir duquel l’implantation d’une surface commerciale nécessitait une autorisation administrative, les résultats sont jugés peu probants.
Concernant la diminution des marges arrière, Jean Gaubert fait part « de méthodes de contournement que nous n’avions même pas imaginées ». Le rapport souligne que si les marges arrières ne représentent plus que 10 % du prix de vente, contre 30 % auparavant, en moyenne, la baisse des prix n’a en revanche pas suivi.
L’effort de réduction des délais de paiement est jugé « insuffisant ».
Le statut de l’auto-entrepreneur a été particulièrement contesté notamment par les artisans, notamment dans le secteur du bâtiment, qui voient en lui une concurrence déloyale et une marche forcée vers une économie « low coast ».
Cette contestation est légitime quand on sait que les métiers de l’artisanat créent de l’emploi qualifié et non-délocalisable.
Bref, ce texte, qualifié de « projet capital » en son temps par le Gouvernement se révèle bien loin de la hauteur des enjeux et hors propos sur les solutions à apporter. Il n’a fait qu’affaiblir le commerce indépendant, fragiliser les centre-villes sans améliorer le pouvoir d’achat des consommateurs.

2. Pour un nouveau modèle de développement commercial dont la « diversité commerciale » est le pilier et l’équilibre la clé de voûte.
La réflexion sur le développement commercial doit avancer des propositions concrètes et innovante, tout en se préservant de schémas simplistes ou manichéens.
Il ne s’agit donc pas d’opposer les grandes surfaces commerciales de périphérie aux petits commerçants du centre-ville. Il ne s’agit pas de diviser les commerçants entre eux. Cela reviendrait à risquer l’échec de tous.
L’urbanisme commercial n’est donc pas dissociable des choix d’aménagement de la ville. Le développement commercial doit aussi s’inscrire dans une démarche de développement durable.
La notion d’équilibre entre toutes les formes de commerces, de la grande surface commerciale au commerce artisanal de détail est déterminante.
Déterminante d’abord, car l’ensemble de ces commerces concourt à la dynamique commerciale et à la qualité globale d’un territoire.
Déterminante aussi, car ces commerces peuvent être complémentaires, dès lors que leur installation est régulée et envisagée dans le cadre d’une action commerciale globale en faveur d’un territoire. Les uns jouant alors le rôle de locomotive pour l’ensemble de la zone de chalandise considérée.
Déterminante enfin, car garantir cette « diversité commerciale », c’est assurer une qualité de l’offre aux habitants en luttant contre l’uniformisation des commerces et l’omniprésence de quelques grandes enseignes, tout en renforçant le potentiel d’attractivité commerciale du territoire.
La « diversité commerciale » est également un facteur essentiel de la qualité globale d’un territoire, au même titre que la présence d’un réseau de transports en commun performant ou que la possibilité d’accéder à une offre Internet efficace, pour réduire la fracture numérique et favoriser le développement économique.
Car le commerçant est un médiateur. Il joue un rôle social. Il a une vraie utilité pour la société toute entière. C’est un acteur de la proximité.
La fonction des commerçants va bien au-delà de l’économique: « un village sans commerce est un village mort » constatent malheureusement trop souvent les élus locaux.
Le lien commerçants-clients ne se réduit pas à la seule transaction. C’est aussi le contact humain ou la relation de conseil et de confiance qui ajoute de la valeur à la marchandise ou à la prestation. C’est le lien social, l’animation et le contact humain que cela génère.
C’est le « mieux-vivre ensemble », la qualité de vie et la qualité de ville auxquels les commerces participent.

3. Agir concrètement grâce à de nouveaux outils qui font le choix de la qualité.
1. Inventer un autre équilibre commercial
La liberté d’installation des commerces est une force, qui doit être régulée et encadrée, pour que chacun des commerçants, quelle que soit la taille ou la nature de son enseigne, ait les mêmes chances de réussite. Pour entreprendre en toute liberté, il faut maintenir des règles justes.
L’alchimie commerciale étant délicate et propre à chaque territoire, il convient d’apprécier les situations au plus près de la réalité du territoire. Les élus locaux doivent disposer des moyens légaux et réglementaires de peser sur l’aménagement commercial de leurs villes, en revenant sur le seuil de surfaces commerciales soumis à autorisation administrative.
Dans cette perspective, il convient de redonner aux élus locaux de vrais moyens d’agir dans le cadre d’un schéma de développement commercial, pour garantir un développement commercial équilibré.
Il s’agit ici de soumettre à autorisation municipale toute ouverture ou extension d’une surface commerciale supérieure à 500m2. Des règles plus restrictives pourront être prévues dans le cadre des plans locaux d’urbanisme ou des schémas de cohérence territoriale.
La responsabilité première revenant aux maires, la CDAC deviendrait alors une instance d’appel et de conciliation, en cas de désaccord entre le porteur d’un projet commercial et l’élu responsable.

2. Un nouvel outil pour les communes, les Offices du commerce : renforcer les commerces des quartiers et des centre-villes en offrant aux commerçants et artisans la possibilité de travailler ensemble.
Cela peut passer par la mise en place de structures dédiées au développement des commerces de ville, à l’image des groupements d’intérêt commercial et communal, en rassemblant l’ensemble des forces vives et des élus d’un territoire pour une action raisonnée et concertée.
Il s’agira également de favoriser les démarches de labellisation des commerces de centre-villes et de quartiers , montrant ainsi un choix du développement commercial « qualitatif ».

4. Non à l’ouverture des commerces le dimanche qui favorise les grandes enseignes, ne fait pas la preuve de son efficacité économique et entraîne une régression sociale pour les salariés et les petits commerçants. Cette loi est un échec, les Français n’en veulent pas.

5. Encadrer le statut d’auto-entrepreneur, en limitant le droit à l’utilisation de ce régime à une période d’un an, renouvelable une fois; en créant les conditions d’une intégration dans le droit commun à l’issue de cette période; en renforçant l’impossibilité d’exercer parallèlement un métier de l’artisanat; en rendant obligatoire la déclaration d’un chiffre d’affaires, même nul; en renforçant le contrôle de la qualification et de la formation, en rendant obligatoire la garantie décennale.

6. Faire du boom du « e-commerce » un levier du développement commercial local.
En 2010, la France est le 3e marché européen en matière de e-commerce, avec 31,2 milliards d’euros, derrière le Royaume-Uni (52,1 milliards) et l’Allemagne (39,2 milliards). La croissance des ventes en ligne en France a été de 26% en 2010, soit 6,4 milliards d’euros de mieux qu’en 2009. Cette « révolution commerciale » et ces changements de pratiques des consommateurs ne doivent laisser personne au bord de la route, notamment les commerçants locaux. Les pratiques du e-commerce devront être encadrées.
Il s’agit donc de promouvoir la création de portails Internet commerciaux à l’échelle d’une ville, d’un centre-ville ou d’un quartier, pour augmenter la visibilité des commerçants, renforcer la proximité numérique et inscrire toutes les formes de commerce dans le développement Internet.

7. Rééquilibrer la fiscalité en encadrant les baux commerciaux
Trop de loyers commerciaux sont aujourd’hui trop élevés, pénalisant les revenus des commerçants et conduisant même à des fermetures, alors que la structure économique est saine.
Les loyers commerciaux seront donc encadrés dans leur évolution par la loi.
Un droit de préférence du locataire sera ouvert en cas de vente des locaux par le propriétaire, avec une obligation de proposition aux salariés du commerce, s’ils sont présents depuis plus de trois ans dans le magasin.

8. Revenir sur la Loi de Modernisation de l’Économie, notamment en ce qui concerne les délais de paiement et les soldes flottants.
Concernant les délais de paiement, le décret était à l’origine prévu pour combattre une relation déséquilibrée entre les grandes surfaces de distributions et les fournisseurs( les plus petits, les plus vulnérables), principalement au sein du secteur alimentaire.
Au final, ce décret s’est appliqué uniformément, sans aucune distinction en fonction de l’activité. Le résultat est que tous les secteurs de la distribution à rotation lente, et ils sont nombreux (1 à 2 de rotation annuelle), tels le textile, la chaussure, le jouet, la bijouterie, entre autres se sont retrouvés pénalisés, déséquilibrés au niveau de leur trésorerie principalement.
Ce décret pourrait être revisité en fonction des secteurs d’activité, dans le cadre d’accords dérogatoires.
Par ailleurs, la loi LME a libéralisé les promotions tout au long de l’année, sans restriction, sans véritable contrôle de l’autorité chargé de la concurrence et de la répression des fraudes Le mécanisme des « soldes flottants » a profondément désorganisé la distribution au sein des secteurs concernés. Il a désorienté les consommateurs qui ne savent plus à quel niveau se situe le juste prix. Il crée une injustice entre les grandes enseignes et les petits commerces qui ne peuvent appliquer le même coefficient de réduction compte-tenu du coût de fabrication initial qui varie très fortement et qui, s’ils appliquent le même coefficient ne dégagent pas la même marge.
Concernant les soldes, nous devons redonner au niveau national (secrétariat d’état au commerce) la décision des dates de soldes normales de fin de saison, à date fixe nationale et dans le respect de la loi originelle, à savoir l’autorisation de solder à la fin d’une saison terminée les produits qui restent.
Les magasins d’usine devront être implantés exclusivement dans les usines.